ACCORDEON
& accordéonistes
Claude
Barbottin
De l'accordéon à l'édition
Claude va fêter ses 50 ans de Sacem
On ne présente
plus cet excellent musicien qui a eu le privilège de jouer aux côtés des plus
grands accordéonistes, lesquels ont reconnu en lui l'un des maîtres de la boîte
à frissons. Il dirigea lui-même un brillant orchestre qui fit danser la capitale
comme de nombreuses régions françaises, notamment le Poitou. Il est né près de
La Rochelle et s'est fixé, il y a plus de 20 ans à Migné-Auxances, aux portes
de Poitiers.
Lorsqu'on commence à prendre un peu d'âge, il est prudent de
lâcher un peu de lest ; Claude Barbottin n'est cependant pas homme à se laisser
aller. Quand on a en soi le virus de la musique, il peut être salutaire d'aller
"raccrocher" son accordéon au vestiaire, mais on n'en demeure pas moins son serviteur.
Et Claude a bien servi l'accordéon tout au long de sa féconde carrière. Depuis
quelques années, il se consacre à l'édition musicale. En dépit des modes et des
tendances, il continue à produire et enregistrer des disques d'accordéon. Il s'est
attaché la collaboration d'auteurs et compositeurs chevronnés comme les accordéonistes
Robert Monédière, Sébastien Farge, Eric Bouvelle, Gérard Sévilla, Frédéric Langlais,
l'auteur Georges Guyonnet et le chanteur Marc Pascal.
On doit aussi à Claude
Barbottin le fameux boléro Je ne fais que passer qu'il signa il y a une vingtaine
d'années avec Robert Monédière. C'est encore un très grand succès des bals en
France. C'est toujours par milliers qu'il édite et envoie à tous les accordéonistes
et orchestre de danse (français et étrangers), ainsi qu'aux discothèques et radios,
les formats imprimés de ses compositions auxquels il joint un CD. Très peu d'accordéonistes
éditeurs le font encore. Il est de ceux-là.
Bientôt
une Médaille d'Or
De plus, Barbottin a eu la chance de parier sur quelques
airs du folklore tombés dans le domaine public dont il a écrit des arrangements
qui ont eu aussitôt un impact incroyable sur le public des bals. Ainsi Le brise-pieds,
La marche des cabrettaïres (venus de l'Auvergne) et La boudeuse (de la Corse)
sont devenus des tubes. De nouvelles paroles agrémentent ces titres déjà très
connus.
Sur le dernier CD que vient de produire Claude, c'est Marc Pascal
qui les chante avec l'accompagnement à l'accordéon d'Eric Bouvelle qui les a enregistrés
dans son studio. Six titres composent ce CD promotionnel dont (outre La boudeuse
et La marche des cabrettaïres, déjà cités) un clin d'oeil est rendu à Aimable
avec Quand Aimable jouait, plus deux valses (Accordéon mon copain, Souviens-toi
de l'Auvergne) et le Cha-cha-cha des Auvergnats, co-signé avec Georges Guyonnet
(de Tulle) et Gérard Sévilla (de Clermont-Ferrand).
D'autre part, le 1 juin
prochain, Claude recevra la Médaille d'Or de la Sacem pour ses 50 années de sociétariat.
La vénérable institution l'avait promu depuis longtemps déjà sociétaire définitif.
Et cette juste récompense honore cet artiste auquel le monde de l'accordéon devait
déjà beaucoup.
Roland Manoury
Le
comblé insatisfait
En plus
d'être l'un des compositeurs les plus joués, Claude Barbottin se
passionne avec ardeur pour l'accordéon. Il va jusqu'à dire "mon
passé m'est égal", tant l'actualité de l'instrument
le captive ou le révolte. Il a arrêté sa carrière de
scène il y a cinq ans. Même s'il joue encore çà et
là, il se consacre surtout à la composition et à l'édition.
"Je préfère donner la chance aux plus jeunes. Ce que certains
de ma génération devraient faire".
Claude
Barbottin ne tarit pas d'éloges sur ceux qu'il a connus ou connaît
encore : Marcel Azzola, Richard Galliano, Eric Bouvelle, Jérôme Richard,
Aurélien Noël, Frédéric Langlais, Domi Emorine, Armand
Lassagne, Daniel Colin. Mais il s'indigne du peu de ventes relatives de CDs de
ces musiciens, alors que sur les marchés, les gens s'arrachent des enregistrements
à ses yeux, et surtout à ses oreilles, imparfaits (harmonisations
hâtives, constructions musicales hasardeuses, paroles insipides, etc.).
Il se souvient d'une réflexion de Tony Murena :"Tu verras, lui
disait le virtuose inspiré, un jour tu feras un morceau avec une note
par mesure. Là, tu sauras composer !"
Pour Claude, faire de
la musique sans vraiment la connaître participe au climat d'insécurité.
"Ce n'est pas en multipliant les notes qu'on fait de la musique, clame-t-il,
ni en accélérant les tempos jusqu'à les rendre complètements
indansables !" Il remarque que c'est en jouant toujours avec plus fort
que lui qu'il a combattu l'insécurité, certes, mais également
connu l'enrichissement. Travailler la chose musicale et mieux posséder
l'outil, savoir les règles, voilà ce qu'il faudrait dispenser plus
largement.
Amoureux
du vrai tango
Claude a pris sa première
leçon de musique à 29 ans, à la flute traversière.
Mais depuis 1946, il s'était déja mis à l'accordéon,
tout seul en écoutant les autres (comme René Benotti et José
Cando). Son père était saxophoniste et ses deux frères, l'un
à la batterie, l'autre à l'accordéon, eurent une petite carrière.
Ils animèrent des bals, basant notamment leur succès sur leur jeune
âges (à 8 ans, ils avaient l'abattage de prodiges). Claude souhaite
aller plus loin au niveau technique, musical, surtout du point de vue des arrangements.
Quelques années dans l'orchestre du Moulin Rouge lui permettront de se
confronter, comme musicien et chanteur (mais il prétend que cet aspect
doit être oublié), à de remarquables artistes, notamment Robert
Caldarella et Hector Grané. De tels musiciens ont marqué les années
50 par leur style, notamment dans le tango, auquel Claude est resté très
attaché. Il se souvient que bien plus tard, alors qu'il jouait un de ces
thèmes argentins aux "Nuits de nacre" de Tulle, Piazzolla lui-même
s'est arrêté au pied de la scène, jusqu'à la fin du
morceau, et leur a adressé un chaleureux compliment. Aussi fort qu'un diplôme...
Il raffole toujours de Juan José Mosalini.
Musicien
de bal
Ce sont en réalité
toutes les danses qui lui font plaisir de jouer."Je ne suis pas concertiste,
insiste-t-il, mais un accordéoniste de bal. On fait danser avec son
soufflet !"
Ses modèles de jeunesse (Gus Viseur et Emile Prud'homme)
excellaient d'ailleurs dans ce domaine. Dans ce domaine aussi, le présent
l'inquiète. "On parle du regain de faveur des cours de danses,
mais autrefois les gens n'en avaient pas besoin pour bien danser. Et aujourd'hui,
leur existence ne se traduit pas par une montée flagrante du niveau. Il
faut leur dire de développer au moins une fois la mélodie, pour
le plaisir des danseurs. "Indifférence" au concert ou en bal,
ce n'est pas la même chose. Il faut dire que les jeunes font danser la génération
de leurs grands-parents, pas leurs copains."
Claude continue à
enregistrer chez Eric Bouvelle des CDs de danse, qu'il diffuse lui-même
et qu'il édite presque seul (il y a peu de temps, il copiait encore les
partitions à la main). Il en est à son cinquième volume à
destination des discothèques, avec des séries de cinq minutes par
type de danse. Son dernier CD, contenant ses titres les plus joués, est
envoyé accompagné des partitions.
Auteur-compositeur-éditeur
L'intérêt que Barbottin manifeste pour les jeunes talents est volontiers
(mais objectivement) critique. Il souhaite surtout faire progresser les interprètes
débutants. Il se montre très admiratif de la qualité du travail
de Maurice et Mickaël Larcange, ou du niveau d'encadrement d'Aurélien
Noël. Mais son activité principale, depuis une quinzaine d'années,
reste la composition. Il n'est pas peu fier d'avoir trois titres parmi les cent
les plus joués. "Dommage, dit-il avec malice, que le prix
des chambres soit si élevé à l'Hôtel des Impôts..."
L'activité d'auteur-compositeur-éditeur demande bien sûr une
petite équipe de collaborateurs, comme son parolier préféré,
riche d'idées originales, Georges Guyonnet, de Tulle. Claude l'a rencontré
à l'occasion du Prix Ségurel. Une dispute à propos d'un manuscrit
et... une amitié sans faille. Il l'a accompagné durant quatorze
années. Le travail entre eux se fait par rebonds, les idées ou modifications
de l'un entraînant à chaque fois une évolution chez l'autre.
"Mêmes les mélodies, dit Claude, je les triture; un
intervalle changé ou un mot peuvent apporter beaucoup."
Claude
aime travailler avec Georges Guyonnet et surtout avec Eric Bouvelle, qu'il admire
énormément. "Si ce n'est pas bien, j'efface : je préfère
être dur avec moi-même. Je gagne ma vie avec des succés relativement
"faciles" et que j'aime bien quand même. Mais ce que j'envoie
aux discothèques correspond mieux à ce que je voudrais proposer."
Claude
Ribouillault
ACCORDEON & accordéonistes n°9 mai 2002
A.B.C.s.a.r.l.183-189 avenue de Choisy 75013 PARIS