Les musiciens de
bal d'après-guerre ont redonné au tango ses couleurs exotiques en
utilisant son instrument fétiche, le bandonéon, et contribué
à son regain de popularité en l'inscrivant définitivement
au répertoire des danses de couples. Rencontre avec l'un de ces illustres"tangeros"
français : Claude Barbottin
"Il faut des tripes pour jouer du tango". Le ton est donné
par Claude Barbottin, accordéoniste appartenant à cette génération
de musiciens de bal d'après-guerre qui reçut le bandonéon
en héritage. Pour jouer avec plus de "sentimiento" la série de tangos,
ils devaient apprendre sur le tas l'instrument typique de cette danse nostalgique.
De la Coupole au Moulin Rouge, les accordéonistes avaient leur bandonéon
et étaient souvent photographiés, à l'époque, en chemise
noire et foulard rouge, l'habit du gaucho argentin. Tout au long de leur carrière,
le bandonéon leur a fait vivre de belles émotions et laissé
de nombreux souvenirs. C'est aujourd'hui à travers quelques portraits d'accordéonistes-bandonéonistes
qu'il est intéressant de redécouvrir une nouvelle facette de l'instrument
et de sa musique, une partie de son histoire telle qu'elle a été
vécue par ces Français amoureux du tango.
Le tangero du
bal
Accordéoniste au Moulin Rouge
en 1955, Claude Barbottin y côtoie les Argentins Roberto Caldarella, Rodolfo
Nerone et Hector Grane qui l'initient au Bandonéon et au tango. A travers
les compositeurs argentins de l'époque, il découvre un univers musical
qu'il n'a cessé d'exprimer avec passion. Quelques titres restent gravés
dans sa mémoire, Tres y dos d'Anibal
Troilo, Recuerdo d'Osvaldo
Pugliese, Preparense d'Astor
Piazzolla. "Je me nourrissais de cette musique...Je suis un autodidacte. J'ai
appris en écoutant et retenu les choses qui me plaisaient".Bien plus tard,
c'est au Festival des Nuits de Nacre à Tulle, en 1992, qu'Astor Piazzolla
l'écoutera jouer:"C'était quelque chose que d'être interpellé
par ce grand maître". Mais s'il est admiratif devant l'évolution
musicale du tango et les compositions contemporaines de cette nouvelle génération
dont fait partie Juan-Jose Mosalini "un très grand musicien", pour Claude
Barbottin, un tango doit être joué pour être dansé.
Il nous livre sa recette d'un bon tango: "Il doit être élégant,
stylé, net, précis...". Règle de savoir-faire suivie à
la lettre lorsque l'on écoute ses compositions El Tercero, la Hucha,
Tango, El
Rey del compas... autant de titres de sa
compilation "Si on dansait"
où il rend hommage à ses inspirateurs et quelques figures du monde
du tango tel Carlos Gardel avec Señor Gardel: "Quand il chantait un tango, on avait l'impression qu'il
avait perdu toute sa famille". Il s'amuse également à faire correspondre
l'esprit mélancolique de la chanson française avec la nostalgie
d'un tango. Avec la très belle mélodie Si tu reviens, il passe de l'accordéon musette au bandonéon
et nous livre une approche originale de ses tangos. Musiques toujours peaufinées
où le danseur peut aisément trouver ses repères tout en se
laissant aller à la mélodie de son bandonéon et du violon
qu'il n'a pas oublié de faire pleurer!
Article
de Valérie Jourdan Accordéon
magazine n°44
Photo: Martine Léonard